A l'époque où s'exprime à
ce sujet le
grand docteur
devenu le chef
de l'école des
catéchètes
d'Alexandrie
(vers 200),
seuls quelques
non conformistes
doutent de
l'authenticité
scripturaire de
"l'Évangile
de JEAN",
attestée par la
liste des
ouvrages que l'Église
recevait pour
inspirés vers
l'an 180 (d'après
le canon dit
"de
Muratori",
traduction
latine du VIII°
s. d'un document
grec primitif).
Il apparaît
d'ailleurs que
la chrétienté
en son entier
ait accepté, dès
sa publication,
pour Écriture
sacrée ce texte
très tôt répandu
tant en Occident
qu'en Orient ;
on décèle son
impact dans la
littérature chrétienne
à partir des
premières décennies
du II° s.
La découverte d'un fragment
bien
identifiable
dans un papyrus
égyptien daté
de ces années-là
invite, compte
tenu du temps nécessaire
à la diffusion
jusqu'en Égypte,
à situer dans
les dernières
années du I°
s. la rédaction
de l'ouvrage.
Les données
proposées par
l'analyse
critique de
celui-ci
s'accommodent
d'un auteur juif
hellénisant
sans prouesse,
mais averti des
disciplines
d'avant-garde du
judaïsme cultivées
notamment par
les cénobites
de Qumrân
probablement esséniens,
aussi bien que
des courants de
pensée et des
modes
d'expression de
l'hellénisme
oriental du
temps.
De fait, la tradition la plus
ancien
ne donne le plus
souvent Éphèse
( beaucoup plus rarement
Antioche ) pour
lieu d'origine
du quatrième Évangile,
qu'elle attribue
de façon quasi
unanime à l'apôtre
Jean, frère de Jacques et
fils de Zébédée
: celui qui fut,
avec André, disciple
de Jean-Baptiste
(cf.
JEAN, chap. 1, vers. 35-37)
avant
d'être
appelé par le
Christ au nombre des
"Douze".
Une tradition encore, dont
l'origine est
elle aussi
attestée depuis
le II" s.,
veut qu'après
le concile
apostolique de Jérusalem
(ACTES, chap.
15), l'apôtre
jean ait résidé
"en
Asie", et
qu'au retour de
sa captivité au
bagne impérial
de Patmos où il
aurait achevé
l'APOCALYPSE
(vers 95), il se
soit fixé
jusqu'à sa mort
à Éphèse,
capitale de
"l'Asie
romaine".
Il y aurait de
quelque manière
fait un livre de
"son Évangile",
jusqu'alors prêché
aux Églises de
cette province
sur lesquelles
il veillait.
L'oeuvre
du
"disciple
que jésus
aimait"
Il est donc raisonnable
d'admettre, en si
bonne compagnie,
que l'apôtre jean
est bien l'auteur
principal de l'Évangile
qui porte son nom.
Même si quelques
modernes dont
l'avis est souvent
fondé sur des
textes, peu ou
insuffisamment
explicites, de
Papias (évêque
d'Hiéropolis,
II° s.) et d'Eusèbe
(évêque de Césarée,
IV° s.), voient
en jean l'Évangéliste
° Jean le Presbytre"
; lequel aurait
compté parmi les
"disciples"
du Christ, sans
appartenir au collège
des Douze. Il est
vrai que d'autres,
plus nombreux, défendent
une position moins
tranchée, pour
l'essentiel
conciliable avec
le consentement
des anciens. Tout
en reconnaissant
l'origine
johannique de cet
Évangile d'abord
diffusé
oralement, et donc
progressivement
adapté dans sa
forme aux appétits
spirituels et aux
besoins des
auditoires, avant
d'être consigné
par écrit --comme
il en fut de tous,
et plus longtemps
de celui-ci
puisque le dernier
en date --, ils
estiment que le
texte dont nous
disposons n'est
peut-être pas de
la main même de
l'apôtre, mais de
l'un de ses fils
selon la foi et
l'Esprit...
Mais peut-être l'auteur
principal a-t-il
été assisté par
plusieurs : ceux
qui authentifient
l'ouvrage en
soulignant que le
témoin de tout ce
qui fait sa teneur
est "le
disciple que Jésus
aimait"
(chap. 21, vers. 7
et 20 ; cf. c. 13,
v. 23 ; c. 19, v.
26 ; c. 20, v. 2),
et en affirmant que
"son témoignage
est véridique"
(chap. 21, vers.
24).
Qui pourrait être ce disciple
de prédilection,
autre qu'un des
trois qui reçurent
les marques les
plus éclatantes
de la confiance du
Maître ?... C'est-à-dire
Pierre et les deux
fils de Zébédée,
seuls conviés par
le Christ à se
tenir à ses côtés
en certaines
circonstances
solennelles ;
telles celles qui
révèlent sa
toute-puissance
sur la vie et la
mort (cf. MARC, c.
5, v. 37 ; LUC. c.
8, v. 51), et le
mystère de sa
double nature :
dans la gloire
bien divine de la
Transfiguration
(cf. MATTHIEU, c.
17, v. 1 ; MARC,
c. 9, v. 2 ; LUC,
c. 9, v. 28) en présence
"de Moïse et
d'Elie"
("la Loi et
les Prophètes"),
vivants symboles
de l'Ancien 'Testament
venu du fond des
âges à la
rencontre du
Nouveau ; puis
dans les angoisses
bien humaines de
l'agonie au jardin
de Gethsémani
(cf. MATTHIEU, c.
26, v. 37 ; MARC,
c. 14. v. 33), à
la veille du
sacrifice sur la
Croix.
Or il ne peut s'agir ni de
Jacques, frère de
Jean, exécuté
par Érode Agrippa
Ier
(cf. ACTES, c. 12,
v. 1-2), lui-même
mort en 44, c'est-à-dire
plus d'un demi-siècle
avant la rédaction
du quatrième Évangile,
ni de Pierre,
vraisemblablement
martyrisé à Rome
dans les années
64-67, et du reste
nettement distingué
en toute occasion
(ex. JEAN, chap.
21, vers. 7 et 20)
du "disciple
que jésus
aimait".
Celui-ci serait
donc bien Jean,
que seul son Évangile
ne cite jamais par
son
nom, mais dont le critère d'identification se trouve proposé avec une touchante insistance par les témoins de son propre témoignage (chap. 21, vers. 20 et 24), apparemment soucieux de lever toute équivoque fondée sur la délicate discrétion de l'apôtre.
Sans doute ce chapitre 21 que conclut leur assertion est-il un ajout à
l'œuvre déjà achevée; celle-ci comporte d'ailleurs d'autres brefs passages manifestement greffés, de manière moins voyante, dans le corps d'une première rédaction
:
celui qui rapporte l'épisode de la femme adultère (chap. 7, vers. 53 à chap. 8, vers. 11) est le plus important et le moins contesté. Mais le fait que le livre ait été, probablement à plusieurs reprises, retouché, peut-étre remanié, et sûrement complété, par l'auteur en personne, par des collaborateurs qu'il a pu approuver ou des continuateurs autorisés à qui seraient dues quelques annotations (ex.: chap . 5, ers. 4) ou bribes recueillies de la tradition orale, ne change bien sûr rien à la valeur scripturaire, reconnue par
l'Église, de l'ensemble tel qu'il nous est transmis ; et pas
davantage au crédit que lui accordent les historiens de la littérature chrétienne du premier âge.
En son état, l'Évangile de JEAN s'impose globalement, par l'unité d'inspiration et de langage, comme une
oeuvre homogène ; au demeurant fort bien structurée, du moins clans les grandes lignes
de sa composition.