Le Prologue (chap. 1, vers. 1-18) est un morceau de gloire de
l'Écriture chrétienne. II proclame celle
du "Verbe" divin. En grec
o Logos, qui signifie "la Parole" ou "la Raison", dans la perspective optimiste où celle-ci dicte celle-là. Le terme appartient au vocabulaire philosophique bien connu des milieux de quelque culture à
Éphèse, où doit écrire l'Évangéliste, comme dans tout le monde hellénistique alors sous l'empire de Rome
Les stoïciens avaient fait de cette "Raison" divine l'âme de l'univers. Les auteurs inspirés des livres Sapientiaux assimilaient volontiers cette "Parole" de Dieu à l'éternelle Sagesse, parfois personnifiée (ex. PROVERBES, chap. 8 ;
SAGESSE. chap. 7 à 9 ;
ÉCCLESIASTIQUE, chap. 24), par laquelle
le Seigneur crée et gouverne le monde, protège, enseigne et dirige les hommes. Or, dans la première moitié du
1er s. de notre ère, Philon d'Alexandrie avilit quelque peu les deux pensées, bien qu'il tente la synthèse des deux cultures dont elles sont nées : il fait du Logos un
être spirituel, intermédiaire entre Dieu et sa créature, mais qui n'est à proprement parler ni de nature divine ni de nature créée ; conception dont s'inspire la gnose. C'était viser à la fois trop haut et trop bas : le "Verbe" célébré par le Prologue de JEAN est pleinement Dieu par génération éternelle, et pleinement homme par l'Incarnation.
Aucun esprit humain, si affiné
fût-il, ou si préparé par
l'Écriture ancienne à la présence du Très-Haut parmi son peuple, ne pouvait imaginer de lui-même l'humanité ainsi projetée en Dieu, et Dieu si près des siens.
Il y fallait la révélation nouvelle. Celle qu'apporte, en venant "habiter parmi nous", "le Fils unique du Père..., plein de grâce et de vérité..., vie et lumière des hommes". Et il la fait connaître par son
Évangile.
Chaque Évangéliste présente cette même "Bonne Nouvelle" selon son génie propre et, nous l'avons noté, selon les besoins estimés de ceux à qui il s'adresse. Le génie de Jean le pousse à la recherche de la doctrine à travers les événements vécus et les paroles entendues, qui ont fait l'objet d'une longue méditation sous l'influx de
l'Esprit-Saint (" II vous enseignera toutes choses" : cf. JEAN, chap. 14, vers. 26 ;
" Il vous guidera vers la vérité entière" : cf. c. 16, v. 13) lorsque paraît le quatrième
Évangile : quinze à trente ans, ou plus, après MATTHIEU, MARC et LUC.
Ainsi relèvera-t-on, par exemple, que le récit de la guérison du paralytique de Bézatha conduit au discours sur les rapports divins entre le Père et le Fils (chap. 5) ; et le récit de la multiplication des pains, au discours sur le "Pain de vie" (chap. 6). Que la relation des débats avec les scribes et les pharisiens (chap. 7, vers. 14 à
chap, 8, vers. 59) amène trois déclarations capitales par quoi le Christ se définit lui-mène : Source d'eau vive (chap. 7, vers. 37-38), Lumière du monde (c. 8, v. 12),
Éternel dans son authentique filiation divine ("Je suis", drap. 8, vers. 24, 28 et 58 ; cf. c. 13, v. 19 ; ainsi s'annonce Yahvé : cf. EXODE, chap. 3, vers. 14 ; ISAÏE c. 43. s. 10 ci 13, etc.).
Que
l'exposé de la
querelle faite
au malheureux délivré
de sa cécité
physique à la
piscine de Siloé
aboutit à
l'enseignement
sur la cécité
morale de ceux
qui refusent la
lumière de la
foi (JEAN, chap.
9). Ou que le récit,
encore,
de la résurrection
de Lazare (chap.
11, vers. 1-45)
illustre la
parole clé du
salut, prononcée
par le Sauveur
"Je
suis la Résurrection
et la
Vie..."
(vers. 25).
Souvent
des remarques
insérées dans
le propos
soulignent le
sens qu'il prend
une fois projeté
dans l'ensemble
du
message
évangélique,
éclairé par
l'expérience de
l'événement,
la réflexion
personnelle et
les lumières de
l'Esprit. Au
sujet
de l'allusion du
Christ au Temple
qu'il
reconstruirait
en trois jours :
"Il parlait
du Temple du son
corps" qui
ressuscitera
des morts, le
troisième jour
en effet (
"le premier
de la
semaine"
après
l'ensevelissement
à la veille du
sabbat
-- chap. 2,
vers. 21-22 ;
cf. c. 19, v. 31
et c. 20, v. 1);
de l'entrée
triomphale du
"roi d'Israël"
à Jérusalem :
les disciples
n'y verront
l'accomplissement
des Écritures
qu'après la
glorification de
Jésus (par sa
Passion et sa
Résurrection
-- chap., 12, vers.
16 ; cf. vers.
23) ; de la
prophétie de Caïphe
: le grand prêtre
"ne dit pas
cela de lui
-même
car il annonçait
la mort de Jésus,
et non seulement
"pour la
nation" de
l'ancien Israël,
mais pour réunir
en un
seul
peuple tous
"les
enfants de
Dieu"
rachetés par
cette mort
(chap. 11, vers.
51-52; cf. c.
l0, v. 16)...
On
découvrira bien
d'autres
passages où
apparaît
l'auteur
attentif aux
valeurs
doctrinales, et
aux explications
utiles à
leur
appréhension à
travers actes et
paroles.
Afin
de mieux servir
son dessein,
sans doute
regroupe-t-il
lui aussi tels
ou telles de
ceux-ci ou de
celles-là, pour
constituer
des ensembles
sur un même
sujet, ou
transmettre
toute une série
d'enseignements
sur une même
lancée.
Sans
doute use-t-il généralement,
pour traduire
les discours même
du Christ. d'une
langue un peu
abstraite. Plus
sensible
aux auditeurs de
bonne culture
qu'au petit
peuple de Galilée
ou de Jérusalem
en général, ou
aux pêcheurs
du
lac de Génésareth
en particulier.
Sans doute se
plaît-il à
donner aux faits
ou aux
circonstances
qui s'y prêtent
une
vertu
de symbole, ou
à exploiter le
caractère
typique des
personnages et
de leur
comportement,
dans la présentation
qu'il
en fait. Mais il
s'agit là de
forme, de
procédés
littéraires.
Quant à la
substance même
de l'œuvre nul
ne saurait
douter de la fidélité
du "témoin
véridique",