On ne
s'étonnera pas
de n'y point
retrouver, il
s'en faut de
beaucoup, la
totalité du
contenu de
MATTHIEU MARC et
LUC, depuis
longtemps
diffusé dans
toutes les
communautés
chrétiennes
fût-ce, pour
l'essentiel, par
la prédication
orale, lorsque
l'Évangile de
JEAN est
composé et
proposé en
"livre"
il est évident
que son auteur
tient pour bien
connus et
communément
admis par ses
lecteurs les
principaux
enseignements du
Christ, du moins
dans leurs
grandes lignes,
et les
principales
oeuvres par lui
accomplies
durant sa
vie terrestre.
Ainsi s'explique
jusqu'à son
silence sur un
fait capital :
l'acte même par
lequel Jésus
institua
l'Eucharistie
( MATTHIEU,
chap. 26, vers.
26-28 ; MARC, c.
14, v. 22-24 ;
LUC, c. 22, v.
19-20; cf. 1
CORINTHIENS, c.
11, v. 23-25);
alors que le
discours sur
"le Pain de
vie", dont
les autres
ÉVANGILES ne
portent que
d'infimes et
bien incertains
échos, non
seulement
l'annonce, mais
en définit si
nettement la
nature et
l'effet (JEAN,
chap. 6, vers.
48-58). C'est
que pour tous,
dès le tout
premier âge de
l'Église, il va
de soi que cette
célébration
par excellence
du culte
chrétien,
participation
toujours
nouvelle au
sacrifice unique
du Calvaire, est
institution du
Christ.
On comprendra
mieux encore que
JEAN ne recense
ni tous les
propos de
Jésus,
regroupés dans
les grands
discours des
Synoptiques ou
illustrés dans
les Paraboles,
ni toutes les
données de sa
biographie : il
ne fait pas la
moindre allusion
à
"l'Évangile
de
l'Enfance",
fût-ce à la
filiation
davidique et à
la nativité à
Bethléem, alors
qu'il relève
le doute des
incrédules sur
ce point ; et
certains grands
moments de la
Vie publique
elle-même ne
sont pas même
évoqués, ou le
sont de manière
si subtilement
allusive qu'on
ne saurait les
identifier avec
la moindre
assurance :
ainsi
de la
Transfiguration
(cf. chap. 12,
vers. 28 ?).
Parmi les
"oeuvres de
puissance"
ou
"miracles"
accomplis par
jésus pour
authentifier sa
mission divine
au regard de
ceux qui, par
interprétation
littérale
d'oracles
prophétiques
(ISAÏE, c. 29,
v. 18 ; c. 32,
v. 3 ; c. 35, v.
5-6 ; c. 42, v.
7 ; etc. - cf.
MATTHIEU, c. 11,
v. 5 ; LUC, c.
7, v. 22), les
attendaient du
Messie ou du
"Temps
messianique",
et rapportés en
grand nombre par
les Synoptiques,
JEAN ne retient
que
quelques-uns.
"Signes"
particulièrement
choisis pour
faciliter
l'accès à la
foi par
adhésion aux
grandes
vérités que
précise
"l'Évangile
spirituel"
: sur la mission
et la personne
du Christ,
"vrai Dieu
et vrai
homme",
source de toute
Vie et de toute
Lumière. Encore
ce choix
diffère-t-il de
celui des trois
premiers
Évangélistes.
II s'arrête
parfois aux
mêmes faits
(ex. : chap. 6,
vers. 1-21 =
MATTHIEU, c. 14,
v. 13-33 ; MARC,
c. 6, v. 30-52 ;
pour partie,
LUC, c. 9, v.
10-17) ; mais
dans l'abondance
des
"signes"
donnés par
jésus en
présence de ses
disciples"
(cf. JEAN, chap.
20, vers.
30-31), il
retient surtout
de ceux qu'aucun
autre ne cite
(chap. 2, vers.
1-11 ; c. 4, v.
46-54 ; c. 5, v.
1-9 ; c. 9, v.
1-7 ; c. 11, v.
1-44 ; etc.).
D'aucuns ont
cherché en
certains de ces
récits
particuliers à
JEAN la relation
d'événements
déjà
exploités par
ses
prédécesseurs,
mais sollicités
de manière
différente. A
quoi bon
hasarder de
telles
hypothèses ?
Celui qui
guérit le
serviteur du
centurion ou le
paralytique de
Capharnaüm, et
ressuscite le
fils de la veuve
de Naïm ou la
fille de Jaïre
(MATTHIEU, chap.
8, vers. 5-13 ;
c. 9, v. 1-8,
18-19 et 23-25 ;
MARC, chap. 2,
vers. 1-12 ; c.
5, v. 22-24 et
35-43 ; LUC,
chap. 5, v.
17-26 ; c. 7, v.
1-17 ; c. 8, v.
41-42 et 49-55)
a pu bien sûr
guérir aussi
l'enfant d'un
officier royal
(JEAN, chap. 4,
vers. 46-54), ou
un infirme de la
piscine de
Bézatha (chap.
5, vers. 2-9) et
ressusciter
Lazare (chap.
11, vers.
38-44).
Le temps et le
lieu ne prennent
qu'exceptionnellement
une importance
considérable.
Comme MATTHIEU,
MARC et LUC, et
peut-être avec
plus de
précision
qu'eux,
l'Évangile de
JEAN insiste
alors sur l'un
et l'autre (ex.
JEAN, chap. 13,
vers. 1 ; c. 18,
v. 28 ; c. 19,
v. 14 ; c. 20,
v. 1). Mais, lui
aussi fidèle
assurément dans
sa teneur
globale, il
n'est pas lui
non plus le
journal de
marche
rigoureusement
daté au jour le
jour dont
rêveraient nos
historiens
modernes.
La plupart des
critiques
estiment
cependant que,
malgré
l'incertitude
où nous sommes
de lire le texte
dans l'ordre où
il fut d'abord
publié dans les
années 95-100 -
le chapitre 5
notamment semble
avoir été
déplacé -, la
chronologie
selon JEAN,
comme le tracé
des
pérégrinations
de jésus et
autres
localisations
qu'il définit
ou suggère,
serrent de plus
près la
réalité
historique que
ne le font les
mêmes
éléments
tirés des
Synoptiques,
rédigés sur un
plan
conventionnel
exigeant ;
rappelons que ce
plan répartit
en quatre volets
le ministère du
Christ : dans
une phase
préparatoire,
puis en
Galilée, dans
une
"montée
vers
Jérusalem",
enfin dans la
Ville Sainte
elle-même. La
"Vie
publique" y
parait tenir
tout entière,
avec une seule
Pâque, en moins
de deux ans.
C'est plutôt
trois, avec au
moins trois
célébrations
de la Pâque
(cf. chap. 2,
vers. 13 et 23 -
c. 6 ,v. 4. c.
11, v. 55 ; c.
12, v. 1 ; c.
13, v. 1 ; c.
18, v. 28, etc.)
que lui accorde
l'Évangile de
JEAN. De plus,
les diverses
allées et
venues de Jésus
qu'il mentionne
ne semblent
relever quant à
elles d'aucune
convention.
Quant au long
séjour à
Jérusalem,
commencé à la
fête des
Tabernacles
(octobre - cf.
chap. 7, vers.
10), seulement
interrompu par
une retraite en
Pérée (cf.
chap. 10, vers.
40-42), et qui
mène à la
condamnation
(dès chap. 11,
vers. 50), puis
au Calvaire à
la veille de la
Pâque
(probablement
avril - cf.
chap. 19, vers
14), il explique
mieux
l'exaspération
progressive de
la haine vouée
par les princes
des prêtres et
les pharisiens
au
"dangereux
novateur"
qui prêche et
agit sous leurs
yeux. Sans doute
JEAN
précise-t-il
enfin avec
raison que
l'ultime repas
pris par Jésus
au milieu de ses
disciples, à la
veille de sa
Passion, eut
lieu "avant
la fête de la
Pâque"
(chap. 13, vers.
1), du moins
selon la date
prévue par le
calendrier
officiel. Alors
que la lettre
des Synoptiques
parait donner la
dernière Cène
pour le repas
rituel du
"premier
jour des
Azymes" ;
même s'il faut
interpréter
"au premier
jour AVANT les
Azymes", le
fait
impliquerait que
jésus et
d'autres
condamnés
furent
exécutés au
Golgotha durant
la fête
elle-même.
Hypothèse
invraisemblable.
Le festin
eucharistique,
au regard de
tous les
Évangélistes,
est bien un
"repas
pascal",
mais celui de la
Pâque
chrétienne,
dont le Christ
est
"l'agneau
immolé".
Ainsi "l'Évangile
spirituel"
apporte-t-il
lui-même un
précieux
appoint à
l'histoire, et
singulièrement
sur les
circonstances de
la Passion. On y
trouvera
d'autres
richesses en
chacun de ses
trois volets.
Dans le premier
(chap. 1, vers
19 à chap. 12)
dominent les
témoignages qui
portent sur la
révélation du
Christ à tous
les hommes de
bonne volonté ;
dans le second
(chap. 13 à
chap. 17), ceux
qui concernent
surtout la
préparation des
Apôtres à leur
mission
évangélique ;
dans le dernier
enfin (chap. 18
à chap. 21),
ceux qui
touchent à la
Passion, à la
Mort et à la
Résurrection du
Sauveur.
A. M. GÉRARD